Nous célébrons aujourd’hui le jour béni de la Pentecôte, qui vit descendre l’Esprit Saint sur les disciples réunis autour de Marie, la mère du Sauveur. Nous accueillons, de tout notre cœur, le don de Dieu, l’offrande de son amour, de sa vie, de sa paix. Nous voulons vivre, de manière renouvelée et plus intense, la résurrection de Jésus notre Sauveur. Oui, le Seigneur nous fait aujourd’hui la grâce d’entrer plus profondément dans le mystère de notre vie, en se donnant à l’Église et au monde par l’envoi de son Esprit qui ouvre l’humanité à la vérité tout entière. Accueillons donc le mystère que nous célébrons, essayons d’y entrer plus profondément afin qu’il nous nourrisse de la vie même de Dieu.
Le but de la vie chrétienne est l’accueil de l’Esprit Saint, qui est Seigneur et qui donne la vie. Il est la vie même de Dieu, il est Dieu. À mesure que nous l’accueillons, nous consentons à ce que notre propre cœur, c’est-à-dire notre être le plus intime, soit conformé de manière toujours plus fine au cœur de Dieu. La conversion de notre humanité à la divinité qui nous appelle au partage de sa propre vie est nécessairement progressive. Elle se déploie tout au long de l’existence non seulement parce que l’homme n’en a jamais fini de se convertir, mais aussi parce que le don de Dieu est plénitude de vie, d’amour, de paix dont le cœur de l’homme jamais ne se lasse.
Les passages de l’Écriture que nous venons d’écouter expliquent à leur manière l’accueil progressif du don de l’Esprit en mentionnant qu’il descendit par deux fois sur les apôtres. Ceux-ci reçoivent l’Esprit Saint une première fois lorsque Jésus est encore avec eux. Le Seigneur les envoie en mission et répand sur eux son souffle en leur disant : « Recevez l’Esprit Saint. Tout homme à qui vous remettrez les péchés, ils lui seront remis ; tout homme à qui vous maintiendrez ses péchés, ils lui seront maintenus. » L’Esprit Saint descendra une seconde fois sur les Onze réunis autour de Marie, lors de la Pentecôte, cinquante jours après la résurrection de notre Seigneur. Les disciples sont saisis par l’Esprit, par son amour pour l’humanité, et celui-ci leur donne le moyen d’accomplir la mission d’évangélisation qui leur a été confiée (« enseignez toutes les nations, les baptisant au nom du Père, du Fils et du Saint Esprit »), en leur donnant de se faire comprendre par tous ceux qui les écoutaient quelle que soit leur langue ou leur nationalité. L’Esprit Saint est donné une première fois lors de l’envoi en mission des apôtres. Il leur est donné une seconde fois pour les soutenir, les assister, les fortifier dans la tâche apostolique dont ils ont été chargés.
Ce feu qui descend sur les disciples n’est autre que l’amour lui-même, amour qui est la source de leur mission d’évangélisation et la condition nécessaire à la réalisation parfaite de celle-ci. En effet, il n’y a que l’amour qui permette d’aller vers l’autre et de se faire comprendre de lui, sans condition de langue, de religion, ou de nationalité. Il est la source et la condition de la rencontre de nos contemporains, que ce soit dans le monde ou dans l’Église. Il est la source et la condition de toute tâche pastorale (catéchèse, catéchuménat, service des malades, préparation au baptême ou au mariage, service caritatif, accompagnement des familles en deuil, secrétariat paroissial, etc…), car là où l’amour est absent, là est absent l’Esprit du Seigneur, là est absent notre Seigneur lui-même, et là où notre Seigneur est absent, là ne ne pouvons absolument rien faire, ou plutôt ce que nous faisons n’a aucune consistance devant Dieu, même si cela peut donner le change devant les hommes.
Ces quelques mots nous introduisent au passage de la lettre aux Corinthiens : « Frère, sans le Saint Esprit, personne n’est capable de dire : "Jésus est le Seigneur". » Comprenons bien cette affirmation de Paul. Il ne s’agit pas simplement de prononcer des mots et de dire « Jésus est le Seigneur » comme on dit « Il fait beau ! », mais de confesser véritablement que Jésus est le Seigneur, c’est-à-dire qu’il est le Messie attendu et le Seigneur de la création. C’est reconnaître qu’il est le Fils de Dieu, et, en tant que tel, qu’il est la Lumière née de la Lumière, l’Amour issu de l’Amour. Or si l’on n’est pas soi-même, d’une manière ou d’une autre dans l’amour, c’est-à-dire dans l’Esprit Saint dont nous sommes les temples, il ne nous est pas possible de reconnaître en Jésus le Ressuscité l’expression parfaite de l’amour du Père à l’égard de l’humanité et de la création tout entière.
L’Esprit est donc la vie qui nous fait partager la vie même de Dieu. Il est l’Amour qui nous fait entrer toujours plus profondément dans l’amour du Père et du Fils. Il est aussi la Paix qui nous garde en paix avec nous-mêmes, avec les autres et avec Dieu. Celui qui vit dans l’amour découvre en l’autre l’œuvre immense et belle de l’Esprit. Il réalise avec saint Paul que « chacun reçoit le don de manifester l’Esprit en vue du bien de tous », que nous sommes les uns et les autres membres d’un même corps qui est le Christ et que dans ce corps il n’y a aucun membre inutile.
Chacun, par la grâce qui est la sienne, est le reflet de la beauté et de la bonté du Seigneur. Chacun est l’expression de son amour pour l’humanité tout entière, car « tous, Juifs ou païens, esclaves ou hommes libres, nous avons été baptisés dans l’unique Esprit pour former un seul corps. Tous nous avons été désaltérés par l’unique Esprit. » Celles et ceux qui découvrent cela ne connaissent plus la rancune ni la jalousie ni la médisance car ils ont pris conscience de l’unité du corps du Christ qui est l’Église. Tout n’est plus que joie, vie, amour et paix dans l’unique Esprit. Or là où est l’Esprit du Seigneur, là est la liberté de penser, de reprendre, de corriger, d’exhorter, de bâtir, de changer, de maintenir, car tout part de l’Amour et tout va à l’Amour.
Puisse l’Esprit du Seigneur nous introduire aujourd’hui à cette liberté, assouplir en nous ce qui est raide, réchauffer en nous ce qui est froid, et redresser ce qui en nous est faussé. Amen.