Se préparer au coup de feu

Sainte Blandine

Après l’Ascension de Jésus, les apôtres se retrouvent dans la maison où ils ont vécu la dernière Cène. Saint Luc, dans le livre des Actes, prend soin de les nommer un par un : Pierre, Jean, Jacques et André, Philippe et Thomas, Barthelemy et Matthieu, Jacques fils d’Alphée et Jude. Ils sont tous là, excepté Judas qui s’est pendu. Ils sont en prière avec Marie, la mère de Jésus, et quelques autres femmes.

Ils sont tous là, et ils attendent.

Ils attendent un signe du Seigneur, l’accomplissement de sa promesse. En eux, c’est l’Église naissante qui attend que son Époux tienne sa promesse. Le temps est comme suspendu. Les apôtres le consacrent à une prière intense. Ils se préparent de tout leur être à la descente du Saint Esprit.

L’attitude des apôtres nous invite à caler notre tempo sur celui de l’Esprit Saint. Nous sommes appelés à avancer au rythme de l’Esprit de Dieu, ni plus vite, ni moins vite. Si nous voulons suivre l’Esprit de Dieu, il nous faut l’écouter très attentivement afin de démarrer au temps voulu et non pas à contretemps. Cette écoute suppose le recueillement, c’est-à-dire la prière. L’apostolat de l’Église n’a pas démarré sur les chapeaux de roues, mais par un temps de latence, par un sas d’approfondissement du mystère de la mort et de la résurrection de Jésus, par un temps de prière intense et unanime. C’est le Saint Esprit qui donnera le signal de départ à la Pentecôte, c’est lui qui permettra à l’Église priante, méditante, de quitter ses starting-blocks pour entrer dans le feu de l’apostolat.

Cet enracinement dans la prière et cette docilité de l’Église naissante à l’Esprit du Seigneur étaient absolument indispensables pour qu’elle puisse durer dans sa mission d’évangélisation. Les difficultés et les obstacles ne vont pas tarder à surgir. En témoigne la lettre de Pierre. Le premier des Apôtres encourage et console les églises d’Asie mineure : « vous communiez aux souffrances du Christ », « on vous insulte pour le nom du Christ », on vous fait souffrir, « mais si c’est comme chrétien » n’ayez pas honte, au contraire rendez gloire à Dieu « pour ce nom-là » car « l’Esprit de gloire, l’Esprit de Dieu, repose sur vous ».

L’Esprit que les apôtres reçoivent à la Pentecôte n’est pas un Esprit de tout repos, mais un coup de tonnerre dans un ciel serein. C’est un appel au combat. L’Esprit du Seigneur pousse l’Église à entrer dans le feu de ce combat : combat à mort entre le bien et le mal, combat à mort entre le Nom de Jésus et toutes les idoles de ce monde, combat à mort entre la liberté des enfants de Dieu et les multiples servitudes du péché. Recevoir l’Esprit Saint, c’est entrer de manière neuve ou renouvelée dans le combat contre l’Adversaire, contre le mal, contre le péché. Nous comprenons mieux dès lors pourquoi le Seigneur n’a pas envoyé immédiatement son Esprit Saint sur l’Église. C’est comme s’il voulait lui laisser le temps, par la prière et le recueillement, de s’adapter à la mission joyeuse mais difficile qui l’attendait.

Son Église, Jésus l’a longuement présentée à son Père et enracinée dans sa prière, avant de s’engager résolument sur le chemin de sa glorification. La glorification de Jésus consiste en sa passion, sa mort sur la croix et sa résurrection. Toute sa vie terrestre, Jésus, notre Sauveur, se sera appliqué à glorifier son Père « en accomplissant l’œuvre » que celui-ci lui avait confiée, c’est-à-dire en obéissant strictement à ce que l’Esprit de Dieu lui commandait.

Le Sauveur résume sa mission en ces termes : « J’ai manifesté ton nom aux hommes que tu as pris dans le monde pour me les donner. Ils étaient à toi, tu me les as donnés, et ils ont gardé ta parole. Maintenant, ils ont reconnu que tout ce que tu m’as donné vient de toi, car je leur ai donné les paroles que tu m’avais données. » Remarquez l’extraordinaire humilité de l’unique Médiateur entre Dieu et les hommes. Jésus s’efface devant son Père, il ne revendique rien. Cet effacement atteint son paroxysme sur la croix où le Fils de l’homme préfère, par amour de nous, revêtir la condition de serviteur plutôt que de revendiquer son droit d’être traité à l’égal de Dieu.

Ce que Jésus a vécu, c’est ce que nous-mêmes, nos équipes paroissiales, nos diocèses, notre Église sommes appelés à vivre. Ce que nous devons rechercher ce n’est pas notre gloire, mais celle de Dieu. Nous sommes pressés par l’Esprit Saint à travailler pour la plus grande gloire de Dieu. Ce ne sont pas là des mots creux, mais une condition nécessaire pour durer dans la mission. L’immensité de la tâche et ses nombreuses difficultés ont tôt fait d’épuiser celles et ceux qui travaillent d’abord pour eux-mêmes et non pas pour le Seigneur.

Dans la mission d’évangélisation qui est la nôtre, dans nos familles, dans notre vie associative ou professionnelle, au sein de notre communauté paroissiale, nous sommes appelés à nous laisser guider par l’Esprit Saint pour faire connaître le nom de Jésus, sans arrogance et tout en douceur. Nous pourrons alors reprendre à notre compte les mots que le Seigneur nous a laissés : « Maintenant, ils ont reconnu que tout ce que tu m’as donné vient de toi, car je leur ai donné les paroles que tu m’avais données : ils les ont reçues, ils ont vraiment reconnu que je suis sorti de toi, et ils ont cru que tu m’as envoyé. »

Nous comprenons ainsi que la mission qui est la nôtre — et chacun de nous est missionné par l’Esprit Saint —, s’enracine avant tout et profondément dans la prière, c’est-à-dire dans la relation tout aimante que nous entretenons avec notre Seigneur. Oui, nous sommes limités par nos faiblesses. Oui, nous sommes marqués par notre péché. Oui, le travail qui nous attend est au-dessus de nos forces. Tout cela le Seigneur le sait, mais il nous redit aujourd’hui ce qu’il disait à saint Paul : « Ma grâce de suffit ! » À lui, notre Seigneur et notre Dieu, l’honneur, la gloire et la louange. Amen.

Textes du jour :
Ac 1, 12-14
Ps 26 (27)
1 P 4, 13-16
Jn 17, 1b-11a
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