Approchez-vous du Seigneur

20 avril 2008

5e dimanche de Pâques A

« Bien-aimés, approchez-vous du Seigneur Jésus. » Telle est aujourd’hui l’exhortation que nous adresse Pierre, le premier des apôtres : « Bien-aimés, approchez-vous du Seigneur Jésus. » Faisons nôtre cette invitation et essayons d’en comprendre la portée pour notre foi, pour notre vie.

Pierre, reconnaît en Jésus, la « pierre vivante rejetée par les hommes. » L’expression « pierre vivante » est étonnante, elle a même donné son nom, en France, à un parcours catéchétique. Et pourtant, si dans la rue un enquêteur nous demandait de nommer trois êtres appartenant au monde des vivants, je suis pratiquement certain que personne d’entre-nous ne citerait la pierre, tant le monde minéral nous semble figé et comme mort. Dire du Christ qu’il est la pierre vivante, peut ainsi signifier qu’il est la vie par excellence, celle qui pénètre partout, même là où on s’y attend le moins. C’est d’ailleurs ce que Jésus lui-même nous dit dans l’évangile de Jean que nous venons d’entendre : « Je suis la Vie. » Or, si nous croyons que notre Seigneur est la vie, nous approcher de lui conduit à nous rapprocher de la vie, à donner davantage de vie à notre vie, car il faut bien le reconnaître, notre vie à chacun est comme morte dans nombre de ses dimensions. Nous rendre proches de la pierre vivante, c’est donner l’occasion au Seigneur de transformer en pain ce qui en nous n’est encore que pierre.

Le premier des Apôtres reconnaît en Jésus la « pierre vivante rejetée par les hommes. » Cette pierre porteuse de vie, cette pierre rarissime et très précieuse, a été éliminée par les hommes. Se rapprocher du Christ, c’est donc accepter de fréquenter quelqu’un qui a été délaissé par les hommes. Voilà qui est intéressant. Se rendre proche du Christ suppose, dans cette perspective, que l’on change de regard sur le monde, que l’on modifie son échelle d’évaluation, que l’on consente à un déplacement considérable, sans quoi, immanquablement on élimine consciencieusement ceux que l’on tient faussement pour des gens de rien, mais que « Dieu a choisis » parce qu’il en connaît la valeur. De fait, de par sa nature même, Dieu est proche des méprisés, de ceux qui sont humiliés, de ceux qui n’ont pas la parole. Se joindre à ces derniers, c’est donc se rendre plus proche de Dieu, c’est rejoindre la pierre vivante rejetée par les bâtisseurs de nos sociétés.

L’apôtre Pierre poursuit son exhortation : « Vous aussi, comme pierres vivantes, entrez dans la construction de la demeure spirituelle. » L’Apôtre nous pousse à être des vivants : des vivants de Dieu, des vivants dans l’amour fraternel, des vivants pour ce monde.

Être vivants, c’est aimer. Seul l’amour donne la vie. Seul l’amour construit durablement. Seul l’amour est solidaire infiniment, indéfiniment, de celles et ceux qu’il rencontre. Construire le Temple spirituel c’est, en définitive, s’associer à l’amour du Père, du Fils et de l’Esprit pour ce monde, c’est participer à la place qui est la nôtre — et la place de chacun est importante et irremplaçable —, à la propagation de l’amour dans ce monde, afin que ce dernier puisse, le moment venu, accueillir celui qu’il a rejeté.

Se rapprocher du Seigneur Jésus, ce n’est pas rejeter le monde, mais l’aimer davantage. Se rapprocher du Seigneur Jésus, c’est rejeter nos préjugés, nos peurs, nos égoïsmes, pour aimer davantage, pour aimer en vérité. Or aimer en vérité, c’est aimer dans le Christ qui, dans l’évangile de ce jour affirme : « Je suis la vérité. »

« Bien-aimés, approchez-vous du Seigneur Jésus. » L’invitation de saint Pierre, n’est pas lancée à la cantonade. Elle jaillit du plus profond de son cœur parce qu’il a compris, au plus intime de lui-même, quelle est la mission du chrétien. Vous êtes chargés, dit-il à ses auditeurs et à chacun de nous, d’annoncer les merveilles de celui qui vous a appelés des ténèbres à son admirable lumière. »

Notre lumière, c’est le Christ. Notre lumière, c’est son évangile. C’est la bonne nouvelle de sa résurrection trois jours après sa mort sur la croix. Notre lumière, c’est le Saint Esprit qui est descendu sur les apôtres et sur chacun de nous au moment de notre baptême. Notre lumière, c’est la vie même de Dieu et nous nous devons de ne pas la mettre sous le boisseau.

Cette lumière, notre lumière, celle qui nous a été donnée, doit briller dans la société et dans le monde. Elle doit briller ni par la force, ni par la domination, ni comme faire valoir de ceux qui la porte, ni non plus par un stratagème quelconque de la vanité et de l’orgueil dont le cœur de l’homme a le secret, mais par l’humilité et par l’amour, par sa proximité réelle et profonde avec ceux qui sont rejetés et de la société et de l’Église.

C’est notre proximité avec les plus pauvres, avec les plus démunis, avec les laissés pour compte, qui permet à l’Église et à chacun de nous, de devenir bonne nouvelle pour ce monde et d’annoncer effectivement, et non pas hypocritement, « les merveilles de celui qui nous a appelés des ténèbres à son admirable lumière. » Tel est le chemin qui, là où nous sommes, là où nous en sommes, s’ouvre devant nos pas.

C’est un chemin ! Cela signifie qu’il y a encore de la route à parcourir, à petites ou grandes enjambées, selon les capacités et le bon vouloir de chacun. Ce chemin, c’est le Christ lui-même, c’est son évangile. Il nous dit en effet : « Je suis le chemin. » Il appartient à chacun de le parcourir et d’en découvrir la beauté.

Saint Pierre, lorsqu’il exhorte les chrétiens qui l’écoute, sait de quoi il parle : appelé à suivre Jésus, il l’a suivi effectivement. Cela ne l’a pas empêché de renier le Seigneur. Au lendemain de la résurrection, après ce premier appel trahi, le Ressuscité lance par trois fois un nouvel appel à Simon-Pierre : « Simon, fils de Jean, m’aimes-tu ? » Et Pierre lui répond alors — parce qu’il se sait aimé et pardonné comme aucun des autres apôtres —, « oui, Seigneur, tu sais que je t’aime. » Il a fallu à Pierre un parcours long et difficile, pour répondre à l’amour du Seigneur. Ce n’est qu’au terme de ce cheminement que le Seigneur dira à Pierre : « Suis-moi. »

Comme Pierre, nous avons à nous ouvrir au très grand amour que le Seigneur nous porte ; comme lui nous avons à découvrir le Christ chemin, vérité, et vie ; comme lui nous sommes appelés à confesser l’amour que nous lui portons : « oui, Seigneur, tu sais que je t’aime. » Amen.

Textes du jour :
Ac 6, 1-7
Ps 32 (33)
1 P 2, 4-9
Jn 14, 1-12
Revenir en haut